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AILLEURS VU D'ICI (depuis Haïti)
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  • Un blog d'analyse de l'actualité en Haiti et à l'étranger - des sujets en rapport avec l'Afrique seront aussi abordés. Certains textes ayant rapport avec les littératures du monde seront aussi traités.
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7 août 2008

" L'hiver d'un patriarche "


linguabadge_fr

Un des esprits les plus libres et les plus controversés de la planète vient de disparaître. Alexandre Soljenitsyne est au goulag soviétique ce que Primo Lévy est à l’univers concentrationnaire nazi. Son livre culte L’archipel du Goulag est un « machin » littéraire qui provoqua un tremblement de terre en Occident. Et jusque dans certains cercles de gauche du tiers-monde, l’auteur du Pavillon des cancéreux était perçu comme une sorte de Raspoutine de la littérature, un fou des lettres qui mettait le feu dans la belle architecture idéologique de la « patrie du socialisme ».

 

Pourquoi pas un cheval de Troie du capitalisme au cœur du système soviétique, lequel, savait bien dissimuler les outrances staliniennes sous le blanc manteau de neige de la Sibérie. Il était difficile en pleine guerre froide et dans la mêlée idéologique de l’époque de ne pas percevoir, la censure aidant, l’auteur d’Une journée d’Ivan Dessinovitch comme un agent plus ou moins sophistiqué de la CIA.

 

Certains intellectuels voyaient derrière ses pompes littéraires des « armoiries tsaristes ». Et d’autres voulaient se purifier en se « purgeant » de son fond accusateur d’un régime qu’un Yves Montand découvrit avec d’autres très... tard ! Être un Alexandre Soljenitsyne en pleine guerre froide, c’est vivre une grande solitude, celle de se débattre dans les filets du KGB en dénonçant depuis les années trente, la grande dérive totalitaire d’une idéologie généreuse, tout en courant le risque de se faire instrumenter par la propagande qui venait de l’Ouest.

 

Mais Soljenitsyne est de la terre de Pouchkine et de Gogol et sait évoquer avec élégance « l’haleine glacée d’un monde insoutenable, et pourtant existant... ». Le bruit d’une vitre brisée d’un homme qui se jette du dernier étage de l’immeuble de la police politique ou « la lettre d’amour qui flamboie dans le crépuscule... à brûler les doigts d’un prisonnier ». Dans les geôles de Staline, il est devenu un écrivain et a écrit dans sa mémoire un livre, chapitre après chapitre pour ne pas crever, confia-t-il un jour à Bernard Pivot. Je ne sais plus qui a dit que la littérature pouvait servir à ne pas crever. En tout cas, l’attrait sonore des mots servait de ponts pour traverser les archipels de mort.

 

L’auteur d’une grande fresque de l’histoire russe n’était pas un saint, tout orthodoxe qu’il était dans son style et sa foi, certains l’ont accusé d’anti-sémitisme, il s’en est défendu, tout en évoquant au passage certaines lourdes « responsabilités » juives dans l’histoire de son pays. Mais ces choses-là soulèvent toujours de sanglantes passions et Marx lui-même a traîné comme un boulet sa « Question juive ». Nationaliste russe ? Tsariste nostalgique ? Anti-communiste convaincu... l’homme est un rebelle qui a aussi dénoncé la décadence de l’Occident, lors de son fameux discours de Harvard. Celui qui a passé ses derniers jours sur les rives de la Moskova et qui entre définitivement dans le froid de la mort était-il simplement un philosophe qui souhaitait comme l’autre que l’on n’obscurcisse point son soleil ?

 

Roody Edmé

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