L'AUTRE AMÉRIQUE
La campagne électorale aux États-Unis est en
train de prendre un certain relief au fur et à mesure que l’on
s’approche des primaires au sein des deux principaux partis Républicain
et Démocrate. Chez les Républicains un outsider du nom de Mike
Huckerbee, ancien pasteur et gouverneur, porte-parole des évangélistes,
talonne de manière obsédante l’ancien maire de New York, Rodolph
Giuliani, perçu jusqu’à présent, avec Mitt Romney et John Mc Caine,
comme les poids lourds du Parti Républicain.
Un parti qui se cherche
après avoir surfé sur la vague conservatrice qui a balayé l’Amérique et
qui, maintenant, se retrouve dans une difficile période de reflux, les
candidats républicains craignant de faire les frais de l’impopularité
du président Bush.
Dans le camp démocrate, l’étoile montante
s’appelle Barak Obama qui suit dangereusement à la trace Hillary
Clinton et apparaît de plus en plus un candidat sérieux qui soulève une
certaine effervescence dans un pays qui a grand besoin de
s’enthousiasmer pour des idées neuves.
Si Madame Clinton joue la
carte de l’expérience et de son appartenance à l’ère Clinton, une
partie de sa base traditionnelle dans l’Amérique profonde la perçoit
comme « une girouette opportuniste » qui a donné trop de gages aux
conservateurs en allant chasser sur les terres du ténébreux Jesse
Helms, un conservateur pure laine qui a fait la pluie et le beau temps
au Congrès au plus fort des années Reagan et Bush.
Quant au sénateur
Obama, son histoire alimente le rêve américain passablement obscurci
par une politique conservatrice et dure qui brise les meilleurs élans
et réduit les « success story » dans ce pays jadis considéré comme «
the opportunity land ». Obama est de père kenyan et de mère blanche.
Après avoir vécu longtemps à l’étranger, le voilà de retour aux
États-Unis où il réussit de brillantes études à Harvard Law School où
il devient le rédacteur en chef de la revue de cette célèbre faculté.
Le
jeune avocat, devenu sénateur, brille de mille feux au moment de la
convention démocrate en 2004, et devient le joker d’un parti qui n’a
pas cessé de se tirer une balle dans les pieds à chaque élection depuis
le départ du charismatique Bill Clinton.
La vérité est que
l’Amérique des droits civiques et des idées libérales, celle qui
succéda aux dures années du maccarthisme, celle qui protesta contre la
guerre du Vietnam, qui se mobilisa pour l’amour et la solidarité contre
les bombes au napalm, celle des baby boomers en rébellion qui voulaient
faire de leur pays un pays fort, mais généreux, gardant intact le rêve
des pères fondateurs, cette Amérique a perdu du terrain devant celle
riche et puissante, et souvent arrogante, celle qui laisse peu de
repères à une jeunesse en pleine crise de valeurs, crise qui se traduit
trop souvent par des tragédies sanglantes dans les écoles et universités
L’Amérique
de Martin Luther King et de John Kennedy, celle de Joan Baez et de
Russel Banks se cherche de nouvelles utopies où l’efficacité ne
s’opposerait pas à la solidarité comme l’imaginent ces francs-tireurs
de la pensée économique que sont Paul Krugman et Joe Stiglitz.
Barak
Obama pourra-t-il incarner ce nouveau leadership, lui que le célèbre
écrivain Russel Banks considère comme la personnalité politique la plus
prometteuse apparue aux États-Unis depuis John Kennedy. Reste à savoir,
poursuit Banks, si les Américains sont prêts à miser sur un Noir comme
les socialistes français sur une femme. Obama est noir, mais pas
afro-américain. Dans l’imaginaire blanc américain, la figure à craindre
est celle de l’homme afro-américain qui éveille un sentiment de
culpabilité.
Pour Russel Banks, un ticket Obama avec un sudiste comme John Edwards comme vice-président rendrait la campagne intéressante.
Quant
au fougueux sénateur, il poursuit son ascension d’aigle, indifférent
aux flèches des archers. Et quand on lui on reproche son peu
d’expérience, il rétorque que Rumsfield et Cheney ont les meilleurs CV
de Washington et que ce sont les principaux architectes du fiasco
irakien. Pas mal non !
Roody Edmé