Haïti est à la croisée des chemins. Et dans ce carrefour vital pour son avenir, elle est entourée pour citer l’écrivain René Depestre de la tendresse du monde. Particulièrement d’une société civile internationale venue au secours d’un peuple secoué terriblement par le séisme du 12 janvier. Une société civile qui à l’échelle de la planète se souvient devant tant de drames de son humanité et de l’insoutenable fragilité de l’être.
Le séisme qui a frappé le Chili vient en écho au drame haïtien amplifié par la grande vulnérabilité de notre environnement. Il vient attirer une fois de plus notre attention sur la nécessité de se préparer aux défis environnementaux et d’habiter l’espace haïtien de manière conséquente. Le nombre de victimes chiliennes se compte par centaines par rapport à l’hécatombe survenue en Haïti.
Il ne s’agit nullement ici de comparer les souffrances, mais il semble que les horribles statistiques du 12 janvier ne sont pas une fatalité et qu’il est possible, à l’avenir, de mieux protéger une population par rapport à ces coups bas venus des entrailles de la terre.
Un peu partout au pays et dans la diaspora, on parle de l’opportunité à ne pas rater et de la terrible leçon de la nature qu’il faut méditer et transformer. Nous ne cesserons pas d’insister sur la nécessité pour le chef de l’Etat d’associer les forces vives du pays au projet de refondation qui fait son chemin dans les cœurs et les esprits, pour qu’au-delà du slogan, nous marchons unis sur les sentiers de la nouvelle Haïti.
Cette ouverture est nécessaire pour casser les polarisations improductives et les enchères politiciennes, elle est nécessaire parce que dans l’état actuel ou il se trouve, notre pays a grand besoin de dispositions historiques et ambitieuses à la mesure de l’actuel défi. Entouré de la sollicitude du monde, balloté en plein milieu d’une géopolitique ou souffle par moments des vents contraires, le pays a besoin de toutes ses compétences et d’une certaine élévation patriotique.
A ce propos les rencontres et colloques qui se multiplient ici et en diaspora participent de cette frénésie de bâtir cette grande nation trop longtemps resté à l’état de promesse, et relève du droit de notre peuple à vivre dans un Etat moderne et solidaire.
La rencontre de Montréal des 4 et 5 mars qui se veut le colloque de la refondation est un signe que les Haïtiens veulent se projeter dans l’avenir de manière responsable, sans laisser à la seule communauté internationale le pilotage de cette reconstruction. Haïti a ici la possibilité d’inventer une nouvelle coopération, après avoir réveillé la tendresse du monde.
Il reste qu’il faudra mettre sur pied un observatoire du colloque pour s’assurer du suivi politique des résultats. Pour que ce ne soit pas un colloque de plus…et que le produit de ces ateliers irrigue les rencontres internationales sur Haïti.
Parallèlement à la rencontre de Montréal, il est venu le temps de revenir au « dialogue national », à cette refondation qui rappelle pourquoi pas le projet de « contrat social » ou de table « inter-haïtienne » ou de coumbite…
Mais qu’importent les appellations, si
nous trouvons la formule qui nous permettra de faire front face à l’adversité.
Roody Edmé
Vous me pardonnerez l'étalage de mon ignorance dans ce message. J'ai suivi à la télévision française le Maire de Port au Prince; comme beaucoup il avait l'air de dire que la catastrophe sismique n'aurait pas eu cet ampleur si nous étions mieux organisés, notre espace mieux occupé, etc. etc. etc. De votre côté, vous en appelez à un "contrat social", à une table "inter-haïtienne", à un coumbite. Personnellement je suis pour la "renaissance" du coumbite, parce que à mon humble avis et d'après ce que j'ai retenu du livre de Jacques Roumain "Gouverneurs de la Rosée", le coumbite était à la fois un art de vivre, une philosophie de vie qui mettait en avant la responsabilité de l'un vis à vis de l'autre et celle de l'autre envers l'un, une stratégie socio-économique. Quand on fait un tour du côté de Gonaïves, qu'on se souvienne de ce qui s'y était passé en 2008, que l'on voit ses mornes dénudés, on peut en conclure que Haïti est l'incarnation de la catastrophe écologique ou environnementale. Le siège du PNUE (programme des nations unies pour l'environnement) devrait être en Haïti. Est ce qu'il était possible d'empêcher les familles haïtiennes de s'installer sur les mornes de Port au Prince ou de Pétionville? Je dirai Non: ce qui a manqué c'est un plan d'occupation et de l'exploitation de l'espace. Les gens se sont installés sur les mornes de PAP comme ils se sont installés dans le quartier Madagascar de Yaoundé au Cameroun ou dans le quartier Simba Pèlè de Brazzaville au Congo, de Balbala à Djibouti ou de Kibéra à Nairobi au Kénya. La faute n'est pas à ces gens qui s'installent là où ils peuvent faute de mieux et pour des raisons de survie. La responsabilité ce sont les gouvernants qui voient et laissent faire. J'étais personnellement attristée et paniquée de noter le cynisme et l'égoïsme avec lesquels se faisait tranquillement l'extraction du sable des mornes autour de PAP pour les besoins commerciaux.
Je suis restée sur ma faim en lisant votre article, parce qu'à mon avis, vous n'êtes pas allé jusqu'au bout de votre réflexion: il faut donner des idées à ceux qui vont se réunir, dire ce qu'il faut faire dès maintenant pour que cela soit pris en compte au moment des actions concrètes de reconstruction. Par exemple, il faut un plan de reconstruction de la ville de PAP qui tienne en compte la fragilité de son environnement; qu'il y ait une reglémentation stricte qui fixe les normes pour la construction des maisons. Roody, vous êtes une référence dans ce pays, une voix d'autorité, il faut la faire entendre et faire aux participants des propositions concrètes.
Cordialement.