Le virus idéologique
Le président américain Barak Obama a depuis quelque temps du mal à
maintenir le cap dans la tempête provoquée par son projet de réforme du
système de santé aux États-Unis. La pensée conservatrice américaine a
mis en batterie ses meilleurs artilleurs pour descendre en flammes un
président accusé de « socialisme », à l’occasion d’un plan de santé
public qui viserait 50 millions d’Américains laissés au bord de la
route par un système de santé dominé par les compagnies d’assurance.
Ont
été mobilisés les « pitt bull » des grands médias qui se déchaînent, à
longueur d’émissions, sur les projets « socialistes» du président,
lesquels ouvriraient la voie à l’ingérence « malsaine » de l’État dans
la sphère privée américaine. Une image d’Epinal susceptible d’effrayer
jusqu’aux bénéficiaires du plan de santé prôné par le président.
Il
s’agit là d’une bataille idéologique sans précédent sur un terrain que
le président américain n’a pas choisi… il s’agit pour les stratèges
conservateurs de polluer le débat politique en le polarisant sur des
sujets qui ont fait les beaux jours du maccarthisme, et qui sont
susceptibles de réveiller les vieilles peurs d’une société américaine
sortie trop brusquement de la guerre froide par l’effondrement
inattendu du mur de Berlin à l’orée des années 90.
Or le vrai débat
est de savoir si la première puissance du monde peut s’offrir un
système de santé à l’instar du Canada qui est très loin d’être un pays
socialiste, ou d’atteindre un indice de développement humain comparable
au modèle suédois ou norvégien.
L’actuel locataire de la Maison
blanche, élu en pleine crise économique et sociale planétaire, est
convaincu qu’il ne peut «gérer les affaires courantes » et qu’il doit
agir sur certains leviers du système pour plus d’équité.
Une
présidence Obama ne peut se permettre d’être terne et sans utopie
mobilisatrice. Le courant progressiste aux États-Unis a grand besoin de
ballon d’oxygène pour sortir du ronron conservateur et réductionniste
qui a rendu captive une société américaine soumise au chantage
permanent d’un rêve américain « congelé » qui serait non négociable,
donc incapable de se renouveler pour offrir des opportunités à ceux qui
sont moins «égaux que les autres ».
Pour le dogme conservateur, «
l’État est le problème » et, depuis la présidence Reagan, il existe aux
États-Unis, une croisade anti-État qui a bonne presse dans certains «
talk show » aussi radicaux que populistes où la pensée réductionniste
et manichéenne tient le haut du pavé.
La revue Newsweek signalait
récemment le rôle joué par le laboratoire de Fort Derick dans le
Maryland transformé en laboratoire d’État dans la lutte contre le
cancer. L’industrie pharmaceutique privée ayant abandonné les
recherches fondamentales sur les plantes pour leur peu d’intérêt
économique immédiat, il revient au secteur public de la recherche de se
concentrer sur l’intérêt public. Selon la revue, les grands groupes
pharmaceutiques sont plus intéressés à la formule de viagra pour les
femmes qui constitue un retour assuré sur investissement qu’à de la
recherche à long terme et peu lucrative.
Sans vouloir tomber dans un
improductif plaidoyer contre les intérêts privés, le président Obama
croit que, dans les questions stratégiques comme la santé de millions
d’Américains, il ne faut pas hésiter à recourir au « public option ».
Ce qu’il a défendu avec force dans son adresse au Congrès mercredi soir
en affirmant : « Je ne suis pas le premier président à m’attaquer à
cette cause, mais je suis déterminé à être le dernier »’
Un ton qui se veut offensif sans être agressif et qui indique qu’il y a un pilote dans l’avion.
Roody Edmé