G-20 : l’autre deal
Le communiqué final du G-20 transmis à nos confrères de la presse
internationale ce 2 avril n’avait rien d’un canular, en dépit du
caractère radicalement novateur de certaines mesures annoncées et les
frasques habituelles de l’inévitable Berlusconi (Premier ministre
italien, NDLR). On ne parle ni plus ni moins que de refondation du
capitalisme et l’horloge de la relance s’est retrouvée du coup remontée.
Pour
sa première grande sortie internationale, le président Obama s’est
imposé comme le leader parmi d’autres leaders et non comme le « boss »
des autres chefs d’État du G-20. Sous sa direction, l’Amérique se veut
« capitaine » de l’équipe « Monde » dans une approche plus consensuelle
qui tranche dramatiquement avec des années d’unilatéralisme triomphant
et de solitaire puissance.
On craignait en effet les désaccords
entre l’Europe et les États-Unis autour des priorités à accorder à la
relance ou au renforcement des régulations. On est parvenu à un accord
intégrant les préoccupations de tout le gotha du leadership mondial.
Les pays émergents ont pu obtenir une modification progressive du FMI
en un organisme de vigie qui verrait ses ressources considérablement
augmenter jusqu’à atteindre les 750 milliards de dollars et qui
divorcerait d’avec les ajustements structurels qui laissèrent sur le
carreau des pays comme l’Argentine.
Les autres instances de
régulation ont vu leur rôle se renforcer, annonçant ainsi la fin de la
récréation financière. Aussi, le Fonds de stabilisation financière
a-t-il été musclé pour supporter le poids d’une finance mondiale en
pleine chute. Le paquet thérapeutique a donc été mis en place pour
revigorer une économie moribonde, et cela va de l’infusion monétaire
aux mécanismes régulateurs de tension inflationniste, sans oublier le
dépistage systématique des paradis fiscaux, causes de l’hémorragie
fiscale qui accable des économies de plus en plus exsangues.
Les
pays émergents ont pu prendre une part plus grande de responsabilité et
on assiste à un élargissement du directoire de la planète. Le monde de
l’après-guerre apparaissant à bout de souffle, les leaders du monde
cherchent à esquisser une nouvelle épure des relations internationales.
Les grandes manœuvres de ce début d’avril ont vite fait de rassurer les
marchés et provoquer une bouffée d’adrénaline qui a remis en marche,
même de manière irrégulière, le cœur économique du monde.
Toujours
est-il que les institutions de Bretton Woods, passablement reluquées,
devront se trouver de nouvelles formes de coopération innovantes avec
les pays pauvres dans un monde où la solidarité s’impose après des
décades d’individualisme forcené. Notre pays devra se positionner pour
participer à fond à cette nouvelle donne. Nul doute que notre équipe
économique suivra pour nos lecteurs la conférence des bailleurs censée
remettre notre pays dans l’agenda international, dans le sillage du
rapport Collier.
Ce qui s’est passé à Londres la semaine dernière
est loin de signifier la fin de l’économie-monde comme se précipitent à
le prédire certains idéologues. Il ne s’agit sûrement pas, comme
l’écrivait Keynes, d’arracher la plante avec ses racines, mais de
l’orienter dans le sens du soleil pour la faire croître. John Maynard
Keynes, célébré durant les trente glorieuses et enseveli sous les
fondations de l’ultralibéralisme, revient sur la pointe des pieds se
rappeler au souvenir de nos esprits les plus brillants.
Des
opportunités nouvelles se profilent avec la crise actuelle qui augure
d’une révision des paradigmes et qui semble annoncer un effort mondial
pour plus d’équité… sinon ce ne sera, pour répéter un responsable d’une
ONG internationale, que «arranger les transats d’un Titanic en train de
couler ».
On attend donc les mesures concrètes qui devront suivre le
super-show de la semaine dernière à Londres et comme l’espérance est
bonne pour le moral…
Roody Edmé