Le troisième épisode du long feuilleton politique : « À la recherche d’un gouvernement » a commencé et, cette fois, on espère une fin heureuse.
C’est-à-dire que le pays ait enfin un Premier ministre et un
gouvernement fonctionnant à plein régime et s’attelant à la tâche de
gouverner.
La présidence de la république s’est livrée ces derniers
temps à moult consultations autour des questions liées à la crise
énergétique et à la production nationale.
Mais toutes les mesures
annoncées et l’effort national nécessaire en pareille circonstance
nécessitent une équipe complète et bénéficiant de l’appui total du
Parlement.
Le temps presse et le public, fatigué des prolongations,
commence à quitter le stade. Les acteurs politiques risquent de se
retrouver seuls dans un match sans grand intérêt pour un peuple qui
s’en remettrait à ses habituelles stratégies de survie. On a déjà vu
des jeunes proclamer « le rap ou la mort »... comme pour faire un pied
de nez à une société qui ne prend pas assez en compte leurs rêves
d’intégration.
Une marée rouge et blanche a défilé, la semaine
dernière, dans les rues avec toute la fougue d’une jeunesse qui affirme
vouloir lutter pour ce qu’elle croit, aspirée tout de même par un vide
idéologique et politique qu’elle cherche désespérément à combler à
travers quelques chansons cultes et le rêve d’un ailleurs... « Ba yo
viza » est un slogan révélateur, entendu lors de la longue marche de
jeudi dernier, et qui accuse la panne du projet social haïtien.
Mais
toute cette débauche d’énergie et cette mobilisation qui a fait
fantasmer plus d’un politicien attendent d’être canalisées pour de
grands projets régénérateurs du pays. La jeunesse est impatiente de
pouvoir travailler et de s’engager dans des actions civiques pour
changer l’avenir.
Il y a des sujets vitaux qui touchent au prochain
budget, aux questions sécuritaires, au renchérissement de la vie liée au
troisième choc pétrolier déjà à nos portes, sujets qui devront être
abordés en priorité par tout nouveau gouvernement.
Le choix d’un
nouveau Premier ministre répondant aux critères d’éligibilité «
constitutionnelle » et politique est une urgence à laquelle la
désignation de Madame Michèle Duvivier Pierre-louis semble répondre.
Mais, dans ce cas comme dans d’autres, il faut rester prudent en
espérant que, « pour le pays et pour nos pères », nous saurons montrer
un sens du dépassement de nos intérêts partisans pour avancer sur le
terrain de la construction de la nation. Et répondre ainsi à ces
experts réunis aux États-Unis, il y a quelques semaines, autour du
thème : « Can Haïti be governed ? » ; « Sure... ».
Il y va de
notre intérêt national, malmené depuis deux cents ans, de sortir de la
logique d’État failli. Si des étrangers exagèrent, parfois à dessein,
notre situation, nous avons tendance à faire l’inverse. Comme ce
monsieur bien intentionné qui comparait nos difficultés à former un
gouvernement à la situation qui a prévalu en Belgique récemment. Sauf
que la détresse sociale n’est pas pareille.
Nous pouvons encore tout
de même tirer parti de ce long processus si, bientôt, émerge un nouveau
gouvernement pleinement imbu de ses responsabilités avec un chef de
gouvernement ayant une longue expérience des questions sociales et
surtout conscient de la déchirure qui n’a pas fini de rendre ce peuple
exsangue.
Un Parlement puissant, mais non vindicatif, et un Exécutif
qui délivre et engage le dialogue permanent avec toutes les composantes
sociales, bref, un pays libéré des vieux démons de l’immobilisme, voilà
ce que je nous souhaite.
Roody Edmé