LE CHOC
Le système financier international est comme un
de ces grands casinos que l’on voit dans la série hollywoodienne «
Ocean eleven ». Tant l’appât du gain et le goût du risque prend des
proportions de pandémie majeure.
Après avoir joué avec l’argent des
autres, les courtiers et autres financiers d’un système qui ont fait du
dérèglement une règle, se tournent vers les idées d’un vieux sage qui
n’a pas cessé depuis des décennies de se retourner dans sa tombe : Sir
John Maynard Keynes, l’apôtre de la régulation des forces du marché.
La
vérité est que « la main invisible » est devenue incontrôlable et
n’obéit presque plus au cerveau du grand capital. Le grand bazar
financier hérité de la période glorieuse de l’ultra-libéralisme
s’écroule dans un fracas de tous les diables en faisant des victimes
dans plus d’une trentaine de pays.
Le jeu spéculatif ne vaut plus la
chandelle. Disons : aura fini par l’éteindre, plongeant dans le noir
les indicateurs économiques les plus optimistes. Pareille au module de
commande d’une fusée à deux étages, la croissance s’est « découplée »
de l’économie réelle absorbée Haïti est dans ce contexte un cas d’école
par le gigantesque trou noir de la récession planétaire.
Ce n’est
pas pour autant la fin de l’hyper finance, car arrivent d’Asie, comme
une manne miraculeuse, des fonds frais venus d’institutions étatiques
des pays émergents à la rescousse de banques occidentales au bord de la
faillite. En effet, la China Investment Corporation, la Governement
investment Corporation de Singapour ou...la Kuwait investment Authority
sont les nouveaux bailleurs d’institutions occidentales prestigieuses
comme Merry Linch ou Morgan Stanley.
Et comme l’argent n’a pas
d’odeur ni de nationalité, on tempère les éruptions nationalistes par
un « gentlement agreement », espérant que les options hégémoniques des
uns et des autres se « perdront dans leurs intérêts comme des fleuves
dans la mer ».
En fait, bien avant la crise de famine, baptisée «
clorox » par les Haïtiens, l’économie mondiale était déjà dans une
ambiance morose et « savonneuse »...les bulles spéculatives éclataient
un peu partout sur la planète et ont cumulé avec celles liées aux prêts
immobiliers aux États-Unis. Selon l’économiste Christian Chevagneux,
entre 1971 et 2008, l’économie mondiale a enregistré pas moins de
vingt-quatre crises financières, soit une tous les années et demie.
Sans
faire offense à un système bancaire aussi sophistiqué que celui des
États-Unis, je trouve dans la crise du subprime, toute proportion
gardée, la même insoutenable légèreté qui conduisit en Haïti ou en
Albanie à la crise des ...coopératives.
Les fonds qui arrivent
d’Asie pour oxygéner les banques occidentales sont appelés des fonds
souverains parce qu’ils proviennent de banques publiques et semblent
marquer un retour des États dans la grande économie. Les interventions
de plus en fréquentes de la Fédéral Réserve affichent la volonté des
autorités étatiques des États-Unis de baliser les sentiers de
l’économie pour éviter des carambolages dans le genre de la crise
immobilière. À Londres, on n’est pas non plus en reste, les autorités
monétaires viennent d’annoncer un gigantesque plan de 60 milliards de
dollars pour renforcer les principales banques de la City et éviter le
fameux « credit crunch », c’est-à-dire une compression du crédit qui
mettrait en berne et la croissance et le moral des investisseurs.
Le
retour souhaité des États dans la mise en place des règles du jeu va
sûrement donner lieu à toutes sortes de clichés sur le libéralisme et
peut-être même à un discours orthodoxe et rigide sur le rôle de l’État
dans l’économie. Et qui sait à ce que Eric Leboucher du Monde appelle «
des fantasmes postsoviétiques ».
Je partage plutôt la métaphore des
deux mains de Claude Moïse, « la main invisible » du marché et l’autre
non moins importante de l’État. L’Économie comme la Politique n’ont que
faire des orthodoxies.
Quoi qu’il en soit, le soleil de la finance
se lève aussi à l’Est désormais et ses rayons ont pour point focal Hong
Kong et Dubaï. Les institutions de Brettons Woods sont en alerte et
admettent qu’il y a « quelque chose de pourri au royaume de
l’hyper-finance »
Roody Edmé