QUAND CASTRO S'EN VA
Fidel Castro décide officiellement de se retirer du
pouvoir à la Havane. Un
départ attendu mais qui a quand même fait un effet boule de neige dans le
monde, beaucoup s’attendait à que ce départ se fasse « 2 pye
devan » et que la mort seule arracherait Fidel du pouvoir.
Le vieux dictateur a voulu se réserver une autre
manche, celle de laisser planer son ombre encore vivante sur les destinées
d’une révolution qu’il aura voulu invincible. L’homme au treillis vert souhaite
se métamorphoser en « soldat des idées » et continuer à porter
l’estocade dans les colonnes de Granma contre les cavaliers noirs du
libéralisme flamboyant.
« On n’efface pas d’un coup d’éponge l’image d’un
homme qui a incarné cinquante ans d’histoire, un pays, une révolution. Il a
inventé un mythe et tenu tête à la plus grande puissance du monde dans une
Amérique Latine fortement marquée par la doctrine Monro » commentait un
chroniqueur de la presse française.
A peu près deux générations ont été marquées par cette
épopée cubaine souvent héroïque mais forgée au fer et aux feux sous le poids
d’incessantes contraintes et au prix de milliers de réfugiés dont certains
avaient cru dans la révolution.
Une révolution dont les idéaux demeurent d’une grande
générosité mais qui résonnent aujourd’hui comme une douce musique nostalgique
dans les oreilles des Cubains d’une certaine génération et qui est encore
malgré tout un horizon indépassable pour des centaines de milliers de pauvres
du sous-continent en quête de soins de base.
Entre le point de départ et la ligne d’arrivée les
obstacles n’ont pas manqué et la guerre a été souvent sale entre le David
caribéen et le Goliath du grand Nord. C’était l’époque de la polarisation à
outrance et de la confrontation entre deux visions univoques du monde.
Ils étaient une poignée de jeunes idéalistes dans les
montagnes de la Sierra
Maestra
L’un aurait « trahi », l’autre poète et
guérillo a préféré poursuivre la lutte jusqu’à la mort dans les maquis de
Bolivie. L’histoire officielle du communisme explique cette séparation comme
ayant été à l’amiable. Pourquoi la ligne du « commandante » l’a-t-il
toujours emporté ? A quel prix ? Un homme même hors du commun peut-il
avoir toujours raison ?
Entre l’aveuglement idéologique et la propagande
anti-castriste où est la vérité historique ? Ceux qui vivent dans
la « jungle » du libéralisme ne comprennent pas ceux qui se
plaignent du « désert » cubain et de ses quelques oasis que sont
l’Education et la Santé
Ceux qui rêvent de télévision par satellite et d’Internet
libre de toute censure ne comprennent pas ceux qui jalousent leur stabilité et
la « sécurité » de leurs rues. Il y va ainsi de la condition humaine « kote
k gen chenn pa gen kou ».
Mais les jeunesses du monde nourriront toujours
l’envie de changer la vie et ce n’est pas sans raison qu’il existe un mythe du
Che, de Martin Luther King ou de Nelson Mandela en dépit de leurs différences
idéologiques, ils portent le rêve d’une autre humanité. Et s’il y a une
constante dans l’histoire du monde, c’est l’idée de changement qui cherchera
toujours à percer les armures du conservatisme et de l’immobilisme.
Et les luttes ont besoin de modèles, de femmes et d’hommes
courageux qu’on célèbre à travers leurs contradictions, leurs faiblesses et
parfois leurs excès…et pour les besoins de la cause on ne retient que les
meilleures poses pour la « photo » de l’Histoire .
Mais quand « les dieux sont tombés sur la
tête », comme dans quelques cas ou l’histoire grimace, le bilan laisse
dans la bouche le goût amer du vin avec lequel on s’est énivré.
Aujourd’hui que Fidel fait ses adieux aux armes, il y
a comme un vide qu’il sera difficile de combler mais c’est peut-être, qui sait,
l’occasion d’un tournant à la chinoise ou d’une innovation cubaine qui ne
figure encore dans aucune grammaire des relations internationales. C’est au
peuple cubain d’en décider et non un quelconque plan concocté dans une officine
outre-atlantique.
En attendant, on annonce pour ce dimanche le nom du
successeur de Fidel et pour l’heure le verrouillage du pouvoir semble assurer
pour quelque temps. Et les lignes de faille de cette secousse ne dépasseront
pas du moins dans l’immédiat les cadres de la vielle garde du parti.
Roody Edme