Si le discours des Gonaïves n’a pas convaincu tout le monde, il aura eu le mérite de soulever un pan du voile qui obscurcissait notre vision sur l’avenir d’Haïti. Le Président tout en reconnaissant une baisse sensible de l’insécurité par rapport à la conjoncture de 2007, a refusé la banalisation du phénomène en déclarant que chaque nouveau kidnapping est de trop.

Ce qui inquiétait les citoyens ,c’était le fait que pour contrecarrer les alarmistes, le pouvoir semblait prôner la logique du moins pire, pendant que le monstre pointait encore sa gueule de méduse au coin de nos rues et par vagues successives de rapts et de coups de mains audacieux menaçait les acquis du début 2007.

Le Président a posé le problème majeur des démocraties du tiers-monde trop faibles pour combler les grandes espérances qui suivent les élections. Il a reconnu les lenteurs de l’appareil d’Etat et ses difficultés à délivrer la marchandise promise.

Le simple citoyen aimerait voir l’Etat recouvrir au plus vite une certaine fonctionnalité pour que le mot gouvernance cesse d’être un jargon à usage technocratique qui plus on en parle, plus on s’en éloigne. Le Président a choisi ce premier janvier de faire une démonstration pratique de ce que pourrait apporter la production nationale à une économie moribonde en faisant gouter  en direct à des journalistes et policiers du jus naturel transformé dans une usine de Marmelade et vendu aux cantines scolaires.

Il a montré ce que les lacs collinaires pouvaient produire en qualité et en quantité de poissons si on travaillait à développer ce secteur. Toute chose qui a suscité encore une fois de l’espoir chez une partie de l’auditoire qui veut garder un esprit positif  à l’aube de cette nouvelle année.

Le chef de l’Etat s’est voulu résolument moderne et responsable en reconnaissant qu’un port trop cher n’est pas compétitif et concourait a renchérir le coût de la vie. Il a admis en outre qu’un effort devait être fait pour améliorer les salaires dans le public comme dans le privé pour sortir d’un misérabilisme prolétarien mais que cela ne pouvait se décréter sans un « collective bargaining », un « chita tande » qui nous éloignerait de toute tentation démagogique.
C’est un président volontairement communicatif qu’on a vu aux Gonaïves et qui semblait dire à ce peuple « je vous ai compris »…mais qui prônait la patience en exposant ouvertement les difficultés à traduire les promesses dans les faits.

C’est un effort de transparence que nous  soutenons, mais le vide est encore abyssal par rapport au bout du tunnel et les quelques lueurs apparues ici et la sont menacées d’extension si les projets concrets dont parle le président n’essaiment au plus vite aux quatre coins d’un pays encore miséreux et, pour lequel l’instabilité est une bombe à retardement que l’on peut allumer même à partir d’une télécommande.

Ce gouvernement a souffert et souffre encore d’un déficit de communication. On a compris avec ce discours que la faiblesse de nos compagnies de travaux publics expliquaient la lenteur à démarrer le maillage routier si stratégique à notre développement, mais en attendant que fait le FER, le fonds d’entretien routier, pour les routes que les dernières pluies ont dégradées ? Et les grands travaux sanitaires de nos rues encore et toujours en souffrance. A-t-on placé les commandes de matériels lourds du CNE ? Quid du délai de livraison ?

De plus certains secteurs ont cru que l’accord Petro-Caribe s’appliquait déjà et l’on a appris qu’il ne commencerait que cette année. Il y a dans l’air quelque confusion qu’il faille dissiper pour nous permettre de regarder dans la direction du progrès de ce pays avec plus d’assurance. Communiquer pour mieux gouverner pourrait être une priorité pour 2008.

Roody Edme