QUAND LE PRÉSIDENT PARLE DE L'AVENIR
Le président René Préval évoquait, ce 11 janvier,
devant le Parlement, la nécessité de moderniser l’État. Un État qui
doit se doter de moyens pour administrer enfin ce territoire et
identifier ses citoyens. Voilà une question essentielle qui devra faire
débats et dépasser l’aspect technique de l’informatisation de nos
services publics et la constitution de « data base », certes
nécessaires, mais pas suffisants.
Il va falloir accompagner cette
vision d’une série d’incitations visant à renforcer la notion de
service public dans une société habituée à un État aussi répressif
qu’inefficace. Car on peut tout aussi bien « informatiser le
sous-développement » et le rendre encore plus redoutable. Combien de
fois n’avonsnous pas vu des erreurs s’accumuler sur nos bordereaux
informatisés, comme si les nouvelles technologies venaient numériser
nos insuffisances administratives et consacrer, dans le virtuel, une
gestion défaillante.
Ce nouveau projet d’État moderne devra être
alimenté par une Université elle-même modernisée et dont les missions
seront définies par cet État républicain qui y puisera, sur le long
terme, les cadres de cette modernisation.
Tout ceci n’est pas
incompatible avec l’autonomie de l’Université qui doit dépasser la
période héroïque des mobilisations «manch long » pour une mobilisation
des ressources académiques et financières que le budget de l’État doit
sérieusement prendre en compte.
L’histoire récente a montré que
l’État s’est révélé tout disposé à laisser son « autonomie » à une
Université jugée par trop rebelle, tandis que cette dernière
s’enferrait dans un discours d’autant plus radical qu’il devenait à
terme impuissant.
Je ne sais combien de « mai 68 » a enfanté le
mouvement étudiant militant de ces vingt dernières années pour que
l’enseignement supérieur se retrouve plus abandonné qu’auparavant. Et
des étudiants, plus que jamais démunis, mesurent, comme le reste du
pays, la vanité de certains combats menés au nom d’une « démocratie
introuvable ».
Dans les nouveaux chantiers institutionnels annoncés par le chef de l’État, une pensée universitaire critique a toute sa place.
L’État
moderne dont parle le président doit répondre aux défis de la grippe
aviaire qui rôde à nos portes. M. Préval avait d’ailleurs très tôt
évoqué cette menace dès sa prise du pouvoir en mars 2006. L’État devra
trouver des solutions liées à la dégradation accélérée de
l’environnement, la nécessaire diversification de nos ressources
énergétiques, à l’urbanité anarchique et meurtrière. Pour ce faire,
l’Enseignement supérieur doit être repensé en conséquence et un
dialogue fructueux devra s’établir entre les autorités de l’Université
d’État d’Haïti et les représentants de l’État qui devront cesser
désormais de s’observer en chiens de faïence.
Il y va de l’avenir
d’une jeunesse qui, flamberge au vent, a souvent été de tous les
combats et qui, chemin faisant, a appris que l’autonomie ne signifiait
nullement repli sur soi.
M. Préval affirme avec raison que sans un
État renforcé dans ses attributions, il n’y a pas de développement. Il
existe d’ailleurs toute une littérature, sur le rôle de l’État dans la
croissance et le développement des pays émergents, qui fait pâlir
d’envie les partisans du moins d’État.
Mais là où le président veut
donner l’exemple de modernité, c’est quand il souhaite une coopération
responsable entre « le prince et le marchand ». Le secteur public et le
secteur privé devront travailler désormais en abaissant le pont-levis,
passerelle qui fera tomber les murs de méfiance accumulés depuis trop
longtemps.
L’État moderne doit aussi inspirer confiance au citoyen
pour qu’il ne voie pas partout un complot ourdi pour l’exterminer… le
simple citoyen croit que « bonjou leta pa la verite » et doute de tout,
même de la grippe aviaire. Ne répétait-on pas, il y a quelques années,
au hasard des rues que « sida se politik ».
Les fondamentaux du
discours présidentiel au Parlement sont simples : un État qui
administre et qui se débarrasse à l’occasion de quelques raideurs que
sont un port pas assez compétitif et qu’il faut moderniser et une «
vieille chaudière » appelée EDH qu’il faut sérieusement retaper. Tout
en appelant aux investissements et à une relance de la production
nationale.
Maintenant, il va falloir que les actions soient aussi
limpides que le discours et que nos dirigeants ne se prennent pas les
pieds dans le tapis empoussiéré d’une culture administrative qui a pour
elle une expérience vieille de deux cent ans.
C’est un chef auréolé
du succès de la négociation du week-end dernier, triomphe discret qu’il
a partagé avec tous les acteurs concernés, qui s’est présenté face au
Parlement et qui devra travailler à divorcer ce pays d’avec « les
promesses de l’ombre ».