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Un
des filons du développement possible de notre pays reste et demeure
notre diaspora. Si l’on considère non seulement son apport financier à
notre économie de survie, mais aussi et surtout les ressources humaines
qui la constituent, nous dormons à côté d’un trésor que nous n’osons
pas toucher.
Il y a certes des gestes symboliques comme la
nomination de Wyclef Jean comme ambassadeur de bonne volonté de son
pays d’origine, un artiste qui remue le monde du spectacle
international pour le faire défiler au Champ de Mars et forcer ainsi
l’embargo touristique sur Port-au-Prince, décrétée destination
dangereuse.
Il y a les efforts méritoires des Haïtiano-américains
qui tentent d’établir des formes diverses de solidarité avec leur
patrie d’origine, sans oublier les nombreux colloques et séminaires
déjà organisés par nos gouvernements autour de l’implication de la
diaspora dans le développement de notre pays.
Ces jours-ci, les
bonnes intentions ne manquent pas, c’est le suivi dans l’exécution qui
nous fait défaut en raison de nos faiblesses structurelles. C’est pour
cela qu’on passe de colloques en États Généraux avec de faibles
résultats sur le plan pratique. La diaspora, généreuse et volontariste,
a com- pris que les initiatives les plus louables ont besoin d’être
canalisées pour éviter saupoudrage et autre dispersion néfaste à toute
idée de développement durable.
Car une chose est de mettre en place
un projet dans un coin quelconque de l’espace haïtien, une autre est de
la faire durer dans le temps pour un effet à long terme sur la qualité
de vie des bénéficiaires. Les fonds de départ une fois débloqués,
comment faire pour maintenir une gestion saine et s’assurer du
développement progressif d’un modèle de gestion adaptée au projet et à
la communauté ciblée et qui saura éviter les parasitages liés à toute
injection de fonds en milieu précaire, comme par exemple l’entretien
d’une classe « d’apparatchiks » du développement.
C’est dans ce
contexte que nous comprenons les initiatives qui se multiplient en
diaspora en vue de la mise en place de réseaux de professionnels qui
vont du technicien en aérospatiale, en passant par le cardiologue de
Harlem hospital, jusqu’à la courageuse et besogneuse cuisinière du
petit restaurant de Little Haïti. Tous ont en tête de voir se
construire un pays où ils pourront un jour revenir reposer leurs «
vieux os ».
Des initiatives comme celles de la Haitian American
Professionnal Coalition, véritable task force regroupant des
professionnels de tous horizons, est un effort d’unité rentable à long
terme pour les communautés en diaspora et pour des actions de
solidarité et d’investissement en mère patrie. Et si, seulement, nous
pouvions tirer partie de notre diaspora comme savent le faire Israël,
la Chine ou l’Inde. Un de nos géographes avait depuis longtemps compris
la donne et il s’en est suivi une exploitation au rabais parce que les
structures n’ont jamais été mises en place et les interfaces pour une
fructueuse coopération ont fait défaut.
Je me suis laissé dire que
la dernière conférence franco- haïtienne sur le co-développement
pourrait être une excellente occasion pour créer ce cadre avec les
compatriotes vivant en France ; d’autres formules opérationnelles
pourraient être trouvées avec la diaspora d’Amérique du Nord. Sur le
modèle proposé entre autres, par l’International Crisis Group, un
groupe de réflexion stratégique, piloté par le ministère des Haïtiens
d’outre-mer, pourrait se pencher sur cette problématique et trouver des
formules adaptées à chaque communauté.
À l’heure actuelle, il existe
en Haïti, comme en diaspora, un climat propice au volontariat et à
l’engagement civique qu’il va falloir institutionnaliser et rendre
productif. À un moment où nous signons des accords de partenariat
interrégional qui vont exiger de plus en plus de ressources humaines
qualifiées, la mobilisation de notre « armée » de compétences de
réserve en diaspora est une solution pour sortir de la fatalité appelée
« capacité d’absorption ».
Roody Edmé
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